Plus de petites équipes ?
Depuis de nombreuses années, l’on entend
régulièrement, à propos du football masculin, qu’« il n’existe plus de
petites équipes ». Cette maxime traduit l’idée que, désormais, toute
formation, même issue d’une division inférieure, peut rivaliser, sur un match,
avec une autre réputée plus forte. Les exemples ne manquent pas : surprises en
Coupes nationale, exploits de sélections modestes en Coupe du Monde,
éliminations d’« ogres » par des outsiders.
Cette vérité, en revanche, n’est pas
encore pleinement transposable au football féminin, comme l’illustre le score
de la rencontre de notre équipe ce week-end (0–14). De tels écarts témoignent
de la persistance de fossés importants entre les différentes formations de
l’élite. Les statistiques de la saison dernière le confirment : nos jeunes
filles ont inscrit 172 buts en 26 matchs, soit une moyenne impressionnante de
6,6 buts marqués par rencontre. Un ratio qui ferait rêver leurs homologues
masculins !
Comment expliquer de telles disparités ?
D’abord par l’histoire même de la
discipline. Certes, la Côte d’Ivoire dispose depuis plus de quarante ans d’un
championnat féminin (avec quelques interruptions), mais la pratique reste
encore à ses balbutiements. Le chemin est long avant que le football féminin ne
devienne, chez nous, une activité aussi structurée et populaire que le football
masculin. Cette réalité est mondiale, même si certains pays ont pris une
longueur d’avance en misant sur la masse. L’exemple des États-Unis est
révélateur : près de deux millions de licenciées, presque autant que les
hommes, constituent une base solide pour alimenter les centres de formation et
bâtir une élite compétitive.
Le développement d’un football féminin
de masse est donc un axe stratégique incontournable. Plus le nombre de
pratiquantes sera élevé, plus les clubs disposeront d’un réservoir de jeunes
talents à encadrer et à former dans des structures professionnelles, dotées
d’infrastructures de qualité et de staffs qualifiés.
Les comparaisons avec les meilleurs
championnats du monde sont instructives : en France, en Angleterre, en Espagne
ou en Allemagne, les écarts de scores se réduisent considérablement. Les matchs
se terminent le plus souvent avec un maximum de deux ou trois buts d’écart,
signe que le niveau général s’élève et que la compétition s’équilibre.
Pour la Côte d’Ivoire, la qualification
pour la prochaine CAN féminine représente un objectif majeur. Elle
constituerait un formidable vecteur de promotion pour ce football et un
encouragement puissant pour de nombreuses jeunes filles à franchir le pas de la
pratique. Si la FIFA, la CAF, la FIF et les clubs multiplient les efforts pour
accompagner ce développement, il reste encore beaucoup à faire. La progression
passera par un engagement collectif et une vision à long terme.
Car si le football masculin nous enseigne qu’il n’y a plus de
petites équipes, le football féminin, lui, nous rappelle qu’il faut du temps,
de la patience et des moyens pour combler les écarts et bâtir des compétitions
relevées.
Benoît
YOU